LE BLOGLE BACKSTAGE

vendredi 3 janvier 2014

A table

J’avais envie de la revoir…

Alors j’ai tapé son nom. Ou plutôt le nom qu’il lui a donné quand il en a fait un gîte. Il y avait un site internet, m’avaient dit les enfants. Je n’avais pas encore eu la curiosité ou le courage d’y aller.
J'ai regardé toutes les photos une à une. 
Je n’ai pas reconnu la grange. Je l’avais quittée, elle était toute cassée, mais j’aimais tellement cette grande porte-fenêtre au pied de laquelle poussaient deux rosiers magnifiques. Je me souviens du parfum entêtant des roses jaunes et de la couleur précieuse des roses thés. Sur la photo, je n’arrive pas à voir s’ils sont encore là : une grande baie vitrée moderne a pris toute la place.
La petite fenêtre qui donne sur la cour ne me dit rien, elle devait pourtant y être. Ça y est, cela me revient, les enfants avaient une petite cuisinière juste devant. Ils pouvaient y patouiller pendant des heures des mélanges de terre, de graviers, de feuille et d’eau.
A l’intérieur de la grange régnait tout un désordre, l’énorme tas de bois que l’on faisait rentrer chaque année, l’outillage pour le jardin et ce qu’on essayait de vendre au vide-greniers du village. Dans les poutres de la charpente du grenier, des essaims de gros bourdons noirs usinaient parsemant le sol des petits tas de sciure de bois… 
C'est maintenant une maison toute propre, une maison comme une autre avec des murs blancs et un canapé avec un coussin rouge en tissu provençal qui vient de chez ma grand-mère, un buffet sur lequel est posé un petit bougeoir que l’on m’avait offert à l’époque où je collectionnais les girafes et dans la cuisine, une grande table de ferme que je pourrais reconnaître les yeux fermés, rien qu'en la caressant du plat de la main. On l'avait achetée au marché des antiquaires. L'image s'impose avec netteté : je viens de poser sur la nouvelle table un plat de soupe. Le centre de la table est tout creusé et la soupière vacille. On se croirait sur un navire qui tangue. Je peux même entendre nos éclats de rire et les cris amusés des enfants. 
Je n’ai pas envie d’aller plus loin alors je clique dans la petite croix en haut à droite pour fermer la fenêtre.
J'efface d'un seul coup l’image d’un grand bout de ma vie que j’ai quittée il y aura bientôt quatre ans.

2 commentaires:

  1. Moi aussi j'aimais ouvrir cette grande porte grinçante pour venir partager un thé une bière. Rire et parfois pleurer. Oui c'était un joli coin que je n'oublierai jamais.

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