LE BLOGLE BACKSTAGE

dimanche 22 mai 2016

Déclaration


Combien de temps déjà ? C'est toujours magnifique et magique.
Apercevoir le printemps s'installer et, par la fenêtre, sentir le parfum des roses qui commencent à s'ouvrir. Gratouiller la terre, planter des tomates, avoir les ongles noirs.
Ecouter une abeille butiner. Une mouche bourdonner. Un merle moqueur.
S'élancer sous la pluie. Courir entre les gouttes. Patauger dans les flaques. Ne pas avoir peur de l'orage.
Tendre la main, prendre sa main. Poser ses lèvres sur les siennes.
Lui sourire, le regarder sourire.
Se dire qu'on aime. Se dire qu'on s'aime.
Et vouloir que ça dure, encore, longtemps, toujours.

mardi 17 mai 2016

L'escalier



Je suis en bas de l'escalier.
Cet escalier tordu et moussu, un peu difficile à escalader, guère rassurant mais tellement représentatif de la vie. La mienne en tout cas. Toutes ces marches de guingois comme autant d'étapes à franchir, encore et encore.
Cela ne s'arrête jamais. 
J'ai pris cette photo pendant le week-end que je partageais avec mon amoureux. Tous les deux, ensemble, nous sommes tombés en arrêt devant cet escalier. Un autre que lui n'aurait même pas accordé un coup d'oeil à ce château branlant. Et moi je n'aurais sans doute pas passé ces deux jours avec un autre que lui. Mais ce week-end c'était lui et moi, tous les deux, et nous étions heureux.
Je monte les marches petit à petit. 
Ce soir j'étais à Caen, au Centre régional des Lettres de Basse Normandie, pour recevoir le prix que j'ai gagné en tant que lauréate de son 10e concours de nouvelles.
Je suis heureuse d'avoir gagné parce que j'aime avoir écrit le texte qui a été primé là où je suis souvent insatisfaite de ce que j'écris. Peut-être parce que j'y raconte une histoire d'amour atypique qui ressemble à ce que je peux vivre parfois.
Toute la soirée je me suis sentie fébrile, comme chaque fois dans ce genre d'occasion. Je redoute les honneurs, la mise en avant et tout ce qui va avec, prise de parole en public, photographies...
J'aurais aimé briller. Je me suis juste entendu bafouiller.
La marche est haute pour moi, pénible à franchir. 
Pourtant à un moment, un beau jeune homme avec un drôle de nom - Yo du Milieu - a lu un texte qui commençait  ainsi "Menton, le 14 juillet 1933 - Cher Antonin, J'imagine que la nouvelle a déjà fait le tour de Pontarlier mais je tenais à vous l'annoncer moi-même..." J'ai mis un peu de temps à reconnaître ces phrases que j'avais écrites juste après mon opération. Et puis je me suis laissé porter par mes mots et lorsque que la voix s'est arrêtée, j'ai entendu les applaudissements, et j'ai vu que le regard que certaines personnes posaient sur moi avait changé.
J'y ai lu de la reconnaissance, peut-être de l'admiration, du respect certainement.
Je ferme les yeux et je lâche la rampe.
Si je regarde les photos de la soirée, je me vois rayonnante, radieuse.
Je repense aussi à l'éditeur à qui j'ai proposé d'envoyer un manuscrit. De sa réponse un peu laconique et désabusée "évidemment d'autant plus que vous êtes la lauréate..." De l'éditrice avec qui j'ai longuement échangé. De cette croisée de chemins où je me trouve.
Cet escalier ne me fait pas peur.  Je vais le grimper quatre à quatre. 

mardi 10 mai 2016

Envies


J'ai eu envie d'écrire ici ce soir, et pas ailleurs à un autre moment. 
Il ne s'est rien passé de spécial, rien passé du tout en fait. Je n'ai pas grand-chose à dire, pas grand-chose à faire. Juste un désir comme ça un peu incertain de coller des mots, d'écouter la musique de mes phrases, d'obéir à cette petite voix intérieure qui me susurre "écris, écris".

Juste avant j'avais eu envie de regarder une série à la télévision, allongée sur le canapé, une plaque de chocolat à côté de moi que j'aurais pu terminer si je l'avais voulu. Je ne l'ai pas fait, je me suis contentée de l'histoire facile qui défilait sur le petit écran, attendant que ces images s'arrêtent pour passer à autre chose et remiser la plaque dans sa boîte en fer blanc.

Encore avant, j'avais eu envie de ranger une année entière de vêtements. Comme je n'arrêtais pas de me dire qu'il devait y avoir, caché dans un coin de ma vie, un accélérateur de temps, je l'ai cherché, en vain. J'ai remué l'énorme tas, l'hiver mélangé à l'été, avec entre les deux le printemps et peut-être même l'automne enfoui, enfui.

Bien avant, avant que la pluie ne fasse miroiter la dalle grise en ciment, j'avais eu envie subitement d'un parfum de lilas. Plonger mon nez dans un bouquet violet ou éternuer dans un parfum de glycine. Je suis descendue en bas de ma rue, après le petit square. Caché derrière le mur d'un pavillon banal, j'ai trouvé les fleurs de mon désir, de mon délit. Alors perchée sur la pointe des pieds, je me suis enivrée, seule, loin de tous, jusqu'à en oublier le monde, le ronron des voitures, et peut-être moi-même, qui sait ?

Non vraiment, il ne s'est rien passé de spécial, rien passé du tout en fait. Juste quelques envies communes traversant une vie ordinaire. Et soudain l'une d'entre elles a pris le pas sur les autres, irrésistible, fulgurante : l'envie d'écrire ici ce soir.